L'église Saint-Julien-des-Églantiers et ses vitraux : un patrimoine sauvé de la destruction.
L’église de Saint-Julien-des-Églantiers se trouve dans le Nord-est de la Mayenne, sur la commune de Pré-en-Pail, au carrefour de la D255 et de la D245 (qui relie Saint-Denis-sur-Sarthon à Villepail), à environ 6 km au sud de Pré-en-Pail, au centre du territoire de la Communauté de communes du mont des Avaloirs.
Un peu d’histoire :
À la fin du 19ème siècle la zone où se trouve actuellement Saint-Julien-des-Églantiers comporte de nombreux petits hameaux dispersés et est très peuplée (environ 800 personnes), mais cette population paysanne et de condition assez modeste se trouve à plus d’une lieue des églises de Gesvres, Pré-en-Pail, La Poôté (que l’on n’appelle pas encore Saint-Pierre-des-Nids à l’époque) et Crennes-sur-Fraubée. Les paysans ne peuvent donc pas se rendre facilement aux offices religieux. L’abbé Edmond Martin, vicaire de Pré-en-Pail, estime alors nécessaire la construction d’une église dans ce lieu situé à peu près à égale distance de ces villages et où n’existe rien que la forêt et la lande.
Sur son insistance monseigneur Wicart, premier évêque du diocèse du Mans en décide la construction le 20 mai 1866 et charge l’abbé Martin de s’en occuper. Le terrain est donné par des familles locales, en particulier les de Vaucelles et les Souti (ou Souty) : c’est un morceau de la forêt de Pail qu’il faut défricher (d’où le futur nom « des Églantiers »). Les autres habitants donnent des matériaux, aident à leur transport ou participent aux travaux comme tacherons.
En même temps sont construits le presbytère, le cimetière et l’école (tenue par l’abbé Martin, elle compte 137 élèves en 1870) et finalement un village apparait autour de l’église. La paroisse de Saint-Julien-des-Églantiers est née, et en 1870 elle compte 950 habitants sur une superficie de 2000 hectares, pris sur les paroisses voisines. Précisons que si Saint-Julien devient alors une paroisse, regroupant des habitants des quatre communes citée ci-dessus, le village qui s’est construit autour de l’église qui en est le coeur ne sera jamais une commune, il a toujours fait partie de la commune de Pré-en-Pail.
Ancienne carte postale de Saint-Julien (cliché aimablement fourni par monsieur François Bourguoin). On y voit les maisons qui ont été construites à la gauche de l'église.
Autre carte postale ancienne de Saint-Julien sans doute en 1900 (cliché également fourni par monsieur François Bourguoin). On y voit l'église et les maisons de droite.
Finalement, après 30 ans de travaux, l’église est consacrée le 14 juillet 1896 par Monseigneur Bouvier. Elle prend le nom de Saint-Julien, premier évêque du Mans, et saint très vénéré dans la région, ayant vécu au 4ème siècle.
L’église est de style néo gothique. Le tympan sculpté réalisé en 1890 représente un des miracles de saint Julien : devant le gouverneur du Mans (appelé le Defensor) accompagné de son épouse et les remparts du Mans, le saint libère un enfant attaqué par un serpent.
Entre 1870 et 1880 un premier groupe de vitraux est réalisé par le Carmel du Mans. Le Mans est au 19ème siècle une des villes de province les plus dynamiques dans le domaine du vitrail et l’Office de vitraux du Carmel est la première fabrique monastique française de peinture sur verre. La communauté religieuse des sœurs carmélites du Mans, établie dans cette ville en 1830, se lance en 1853 dans la réalisation de vitraux, dans un premier temps par soucis d’économie pour décorer sa chapelle, puis elle embauche des ouvriers spécialisés et acquière très vite un grand renom. Les vitraux du chœur de l’église de Saint-Julien-des-Églantiers représentent la vie du saint patron de l’église.
En 1903 les clés de voute de l’église ont été peintes (représentant entre autre les blasons des familles ayant donné le terrain où elle est construite).
À l'abbé Martin succèderont les abbés Mareau, Bellanger et finalement l'abbé Bédouet.
Les huit vitraux de la nef de l’église ont été réalisés dans les années vingt. Ils sont l’œuvre d’un maitre verrier extrêmement réputé : Auguste Alleaume (1854-1940). Né à Angers, Auguste Alleaume s’établit à Laval en 1893 où il travaille avec son frère Ludovic, marquant fortement le département de la Mayenne où on trouve 60% de la production de son atelier (qui travaillera jusqu’en 1937) et renouvelant l’art du vitrail par une simplification du trait et une technique particulière de fixation des couleurs, en particulier pour les visages.
L’autre particularité de ces vitraux est leur thème : ils rendent hommage aux soldats de Saint-Julien morts lors de la Grande Guerre de 1914-1918.
Deux des vitraux représentent des sortes de « monuments aux morts » avec la liste de quarante jeunes de la paroisse morts au combat.
Deux des vitraux de la nef de l'église avec la liste des jeunes de la paroisse morts au combat durant la Grande Guerre. Ce type de vitrail est particulièremet rare.
Les six autres vitraux montrent des scènes de la guerre et les soldats accueillis au paradis par les saints, la Vierge ou le Christ. Les visages des soldats, frappants de réalisme, ont été peints à partir des photos confiées par les familles. De plus ces vitraux ont été payés par les paroissiens eux-mêmes : deux d’entre eux par les familles Ronçin et Morice et tous les autres par une souscription de tous les paroissiens.
En même temps les habitants de Saint-Julien se cotisent pour faire ériger un monument aux morts (39 noms y sont portés) qui se trouve derrière l’église.
En 1950 Pierre Honoré, sculpteur à La Sauvagère sur la commune de Gesvres, voisine de Saint-Julien, sculpte des fonds baptismaux dans une roue de pressoir à pommes (appelé ici « gadage »). Elle comporte un poisson et une colombe de chaque côté d’un bassin carré.
Vous pouvez voir notre article sur ce sculpteur en cliquant sur le lien suivant : Pierre Honoré, sculpteur
Et pourtant ce patrimoine local a faillit disparaitre.
Le 19 octobre 1998 le Conseil municipal de Pré-en-Pail (dont dépend Saint-Julien-des-Églantiers) décide la destruction de l’église pour dangerosité après le rapport d’un architecte qui la déclare prête à s’écrouler. Dès le 12 novembre l’autel, les statues et le carrelage de l’église sont enlevés, la sacristie est abattue et l’église est désaffectée (c'est-à-dire qu’elle ne pourra plus servir exclusivement au culte). Mais les ouvriers chargés d’enlever les vitraux ne pourront le faire que sous protection policière et le 18 novembre, jour programmé des travaux de démolition de l’église elle-même, la population manifeste. Dès 7 h du matin, dans la brume automnale et venant de tous les côtés, des tracteurs, tous feux allumés convergent vers la vallée de Saint-Julien ; les habitants s’interposent et empêchent la destruction de l’église. Les engins chargés de la démolition doivent se retirer.
Le 23 novembre est crée autour de Modeste Ernoux (décédé à 93 ans en 2013), l’Association pour la défense et la sauvegarde de l’église de Saint-Julien-des-Églantiers. L’association obtient du tribunal administratif de Nantes une expertise judiciaire qui donne raison aux défenseurs de l’église et suspend, le 8 décembre 1998, la décision de démolition. La population, par sa mobilisation, réussit ainsi à empêcher la destruction de l’église mais beaucoup de mal avait déjà été fait puisqu’elle avait perdu son carrelage, son branchement électrique et surtout ses précieux vitraux (heureusement stockés à Angers chez un maitre verrier).
La nouvelle municipalité élue le 11 mars 2001 inscrit dans son programme la restauration de l’église, mais pour cela il faut des fonds. Mécénat, dons privés, subventions diverses, partenariat avec la Fondation du Patrimoine, animations et expositions proposés chaque année par l’association du 1er mai au 15 septembre, tout est mis en œuvre pour en récolter. La première tranche de travaux est réalisée entre 2001 et 2007 : mise hors d’eau, restauration des murs, de la flèche, du clocher et de ses quatre clochetons (mis à mal par la tempête de 1999).
Entre temps Christian Livet a remplacé monsieur Ernoult déjà âgé. En 2010 Marie Jo Bourgoin, fille de Modeste Ernoult reprend le flambeau et devient à son tour présidente de l'association.
Le montage de photos ci-dessous a été réalisé par madame Monique Thoré Ernoux (fille de Modeste Ernoux). de nombreuses photos prises par elle en 1998 lors du démantèlement de l'église.
Montage réalisé par Monique Thoré Ernoux sur Saint-Julien-des-Églantiers.
En 2012, les statues, qui avaient été ôtées de l'église, ont été retrouvées dans un sous-sol de l'école de Pré-en-Pail et sont désormais présentées dans le chœur. Certaines étaient cassées et surtout, alors qu'autrefois toutes les statues étaient peintes, elles ont toutes été badigeonnées de blanc ou d'ocre à une époque où on préférait les statues de couleur neutre.
Michel Chanteloup de Gesvres, peintre, enlumineur et calligraphe, a entrepris de restaurer et repeindre ces statues. Il a réalisé un magnifique travail, tout en émotion, finesse et délicatesse, comme vous pouvez le constater sur cette photo (cette statue, qu'il a restaurée en 2020, est celle qui a le visage et les yeux barbouillés de noir sur la photo ci-dessus).
Une nouvelle étape est franchie en 2015 : février 2015 les huit vitraux de la nef sont restaurés (tous les cent ans il faut remplacer le réseau de plombs maintenant entre elles les pièces de verre composant un vitrail) et remis en place par l'entreprise "les Vitraux d'Art Barthe Bordereau" d'Angers. Le cout de l’opération s'élève à 41 041 €.
Le 30 mai 2015 les vitraux sont officiellement inaugurés dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre et l'évêque de Laval, monseigneur Thierry Scherrer, autorise leur bénédiction lors de cette cérémonie qui commence par un moment de recueillement au monument aux morts avec la participation des élus et des anciens combattants du territoire. Des enfants lisent les noms des 39 soldats de la paroisse de Saint-Julien-des-Églantiers tombés pendant la Grande Guerre de 14-18. Puis les cloches de Saint-Julien sonnent pour la première fois depuis dix-sept ans, ce qui est très émouvant et tout le monde se retrouve dans l’église.
Les discours des personnalités officielles sont entrecoupés de très beaux moments d’émotion : le rappel du combat mené pour préserver l'église et y faire revenir ces vitraux qui rendent hommages à ces jeunes hommes tombés au combat, l'évocation par la présidente de l'association, Marie-Jo Bourgouin, de ceux qui ont participé à ce combat et sont aujourd'hui disparus, et surtout la lecture par des enfants de lettres de soldats de 14-18 et des lettres de leurs épouses dans une touchante petite scénette.
Les enfants mettent en scène une famille pendant la Grande Guerre et lisent des lettres échangées entre des soldats et leurs épouses.
Autre grand moment d’émotion en musique avec René, Jean-Paul et Malika interprétant un chant aux morts celte, Alléluia de Léonard Cohen et la Prière de Brassens.
Remarque : la chanson étant soumise à droits d'auteur nous sommes tenus d'accepter des annonces google pendant la vidéo. Il vous suffit de les fermer en cliquant sur la croix.
Autre moment émouvant : les anciens combattants de Pré-en-Pail présentent leur drapeau, datant de la guerre et qu’ils ne sortent qu’extrêmement rarement.
Une équipe de TF1 était présente pour cet évènement. Pour voir le replay de leur reportage cliquez sur le lien suivant : http://lci.tf1.fr/jt-13h/videos/2015/la-mayenne-une-eglise-sauvee-par-ses-habitants-8616029.html
Vous pouvez fermer la première pub en cliquant sur "accéder directement au site", pas la deuxième.
La cérémonie se termine par un vin d’honneur puis nous nous régalons sur place d’excellentes saucisses grillées au feu de bois dans une ambiance très chaleureuse.
Olivier, Michel et Marie-Jo Bourgouin, présidente de l'Association sauvegarde et mémoire de l'église de Saint-Julien-des-Églantiers.
Vous pouvez voir ci-dessous un diaporama d'autres photos de cette cérémonie.
Vous pouvez laisser défiler le diaporama ou faire passer les photos manuellement en cliquant sur les flèches à droite et à gauche.
La Confrérie des Fins Goustiers assiste à la cérémonie d'inauguration des vitraux restaurés de l'église de Saint-Julien-des-Églantiers.
L’église de Saint-Julien est ainsi une rescapée ! Sans la détermination et le dynamisme des habitants et anciens habitants du village ce patrimoine, dont la valeur et l’intérêt dépassent de beaucoup une question de religion, n’existerait plus aujourd’hui. Elle n'a plus d'usage exclusivement religieux mais accueille des activités socioculturelles, éducatives, amicales, artistiques et l’association pour la sauvegarde et la mémoire de l’église de Saint-Julien-des-Églantiers y organise régulièrement des spectacles, des randonnées ou des expositions de manière à récolter des fonds qui aideront à poursuivre sa restauration.
Car tout n’est pas terminé ! Il reste à remettre en place les sept vitraux du chœur et les deux rosaces des transepts et le cout de la prochaine tranche de travaux (restauration et pose) s’élève à 44 369 € HT.
Une nouvelle souscription est donc ouverte en 2016. Il est possible de faire des dons à La Fondation du Patrimoine en précisant "Saint-Julien-des-Églantiers". Ces dons sont déductibles à 66% des impôts.
En février 2016 le sol de l'église (qui était en fait le sable jaune soutenant autrefois les tommettes) a été refait grâce à trois donateurs privés qui ont versé 9 137 €. Certes ce n'est pas l'ancien pavage de tomettes, mais cela facilitera grandement la circulation dans l'église ! Les travaux ont commencé le 8 février avec le décaissement du sol pour supprimer les marches de l'entrée et tout mettre au même niveau. Des gaines ont été posées dans l'éventualité où l'électricité pourrait un jour être installée. C'est l'entreprise Sol du Maine d'Allonnes qui a réalisé la chape de béton teinté en gris clair. Les travaux se sont terminés le 12 février. Une estrade a été installée pour faciliter l'organisation de spectacles.
Vous pouvez voir des photos de ces travaux et lire le détail de la mise en œuvre sur le site de l'association pour la sauvegarde et la mémoire de Saint-Julien-des-Églantiers en cliquant sur le lien suivant : Une année 2016 bien commencée
2020 : un nouveau cap est franchi, hélas en pleine pandémie de coronavirus, avec la mise en place des sept viraux du chœur, réalisés par le Carmel du Mans (première génération, ce qui en fait des vitraux particulièrement rares) et représentant la vie de saint Julien, ainsi que les deux rosaces. Le bâtiment a ainsi récupéré tous ses vitraux et la lumière si particulière que les couleurs donnent à ce type d'édifice. L'épidémie a bien sûr retardé les travaux et l'inauguration qui aurait dû avoir lieu en mai a été repoussée, mais c'est un beau succès pour ceux qui se sont battus depuis 1998 pour sauvegarder ce patrimoine.
Ci-dessous, les photos des sept vitraux et d'une des rosaces.
► Vous trouverez d’autres détails sur cette église et sur l’association qui se bat depuis 1998 pour sa sauvegarde en cliquant sur le lien suivant : http://saintjuliendeseglantiers.over-blog.com/
Vous y trouverez aussi comment les soutenir financièrement par un don à l’association ou à la Fondation du patrimoine (don déductible de votre impôt sur le revenu à hauteur de 66% dans la limite de 20% de votre revenu).
► Sur ce sujet voir aussi les explications et vidéos (sonnerie des cloches, discours de Marie Jo Bourgouin) sur le site de l'association Traditions et Actions culturelles au Pays de Pail en cliquant sur le lien suivant : Le retour des vitraux de l'église de Saint-Julien des Églantiers
► Pour savoir comment La Poôté est devenu Saint-Pierre-des-Nids cliquez sur le lien suivant : Pourquoi appelle-t-on Poôtéens les habitants de Saint-Pierre-des-Nids ?
► Pour des informations sur le sculpteur Pierre Honoré cliquez sur : Pierre Honoré, sculpteur.
► Pour des informations sur une petite chapelle du 15ème siècle proche de Saint-Julien-des-Églantiers cliquez sur le lien suivant : La chapelle Saint-Julien-des-Roncerais
► Pour un aperçu de certaines manifestations organisées à Saint-Julien-des-Églantiers, cliquez sur les liens suivants :
►Barbecue à Saint-Julien en 2014
►Barbecue à Saint-Julien en 2015
►Le salon des collectionneurs en 2016
►Barbecue à Saint-Julien en 2016
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