Le 21 mars 2013 quelques membres de la Confrérie des Fins Goustiers ont assisté dans le cadre des « Bobines du Parc Normandie-Maine » à la projection d’un documentaire sur les origines de la pomme. Sa réalisatrice Catherine Peix était présente.
C’est en Asie Centrale, au Kazakhstan, dans les montagnes du Tian Shan, à cheval sur les frontières de la Chine et du Kazakhstan, dans une région aux températures allant de -40°C à +40°C, que poussent encore aujourd’hui les ancêtres de nos pommiers actuels : les pommiers sauvages Malus sieversii formant des forêts entières de pommiers sauvages, tous différents les uns des autres.
La région concernée (que vous pouvez localiser sur la carte ci-dessous) est celle d'Almaty (anciennement Alma-Ata) dans le Tian Shan à la frontière entre le Kazakhstan et la Chine.
Ci-dessous, une photo des montages du Tian Shan et leurs forêts de pommiers Malus Sieversii :
Ces pommiers existaient déjà il y a plus de 65 millions d’années en même temps que les dinosaures. Ils peuvent atteindre 30 mètres de haut, vivre jusqu’à 300 ans et surtout ils donnent en énormes quantités des pommes de couleurs, tailles et goûts extrêmement variés. Cela est dû au fait que le pommier ne s’autoféconde pas, il a besoin d’un « partenaire sexuel » pour se reproduire (d’où l’importance des insectes pollinisateurs). Dans la nature chaque pommier sauvage naît d’un pépin unique et tous sont différents comme les êtres humains.
Certains Malus sieversii du Kazakhstan donnent des pommes grosses et sucrées qui pourraient rivaliser avec succès avec nos variétés commerciales. Comment cette espèce est-elle apparue alors que les autres pommiers sauvages Malus sylvestris donnent des fruits petits et amers ? La réponse est dans la nature. Depuis la préhistoire Malus sieversii a été « sélectionné » par… les ours du Tian Shan ! Ces gros ours végétariens sont de grands consommateurs de pommes. Très gourmands, ils préfèrent depuis toujours les fruits les plus gros, les plus parfumés, les plus sucrés… Et ils en rejettent les pépins dans leurs excréments en permettant ainsi la germination !
« Sélectionnée » par les ours du Tian Shan, ramassée par les populations nomades du Kazakhstan, la pomme voyage depuis 10 000 ans avant notre ère au gré des déplacements de populations, des guerres et des caravanes commerciales. Elle a atteint la Mésopotamie, la Grèce antique, l’empire romain, l’Europe et enfin l’Amérique avec les caravelles de Christophe Colomb.
Sélectionnés, greffés, multipliés, clonés, nos pommiers actuels, descendants des Malus sieversii mais tous semblables, sont aussi très vulnérables aux maladies telles la tavelure, l’oïdium ou le feu bactérien, obligeant les arboriculteurs à multiplier les traitements chimiques. Chez Malus sieversii, grâce au constant brassage génétique, se sont développé des gènes de résistance à ces maladies. Les forêts de pommiers sauvages portent en elles un patrimoine génétique d’une richesse inestimable. À condition d’être préservées…
En 1929 le biologiste russe Nikolaï Vavilov découvre les forêts de pommiers sauvages du Tian Shan et émet l’hypothèse que cette région est le lieu d’origine de la pomme. Vavilov mourra en 1943 dans les prisons staliniennes accusé de promouvoir « une science bourgeoise » : la génétique !
Un agronome Kazakh, l’académicien Aymak Djangaliev, (en photo à gauche) reprend alors clandestinement le flambeau des thèses de Vavilov et entreprend d’étudier et de répertorier les pommiers sauvages du Kazakhstan. Il va y consacrer sa vie, risquant plusieurs fois l’enfermement. Pour préserver les plus beaux spécimens de Malus sieversii de la déforestation stalinienne, il crée un verger conservatoire. Deux fois celui-ci est détruit et il doit repartir de zéro avec le soutien de son épouse Tatiana.
Ce n’est qu’en 2010 (entre-temps le mur de Berlin est tombé) que l’intuition géniale de Vavilov et Djangaliev est confirmée par le séquençage du génome de la pomme. Malus sieversii du Kazakhstan est bien l’ancêtre de toutes les pommes cultivées !
En 2006 la biologiste et documentariste Catherine Peix rencontre Aymak Djangaliev à Almaty (« la ville des pommes ») au Kazakhstan. C’est le début d’une forte amitié. Fascinée par son histoire et son combat pour sauver les derniers pommiers sauvages de la déforestation, elle consacre quatre années à l’étude des origines de la pomme et réalise un documentaire diffusé sur ARTE et France 3 Alsace. C’est ce film, qu’elle continue à diffuser en organisant des débats partout en France, que nous avons vu.
Car les forêts de Malus sieversii du Kazakhstan sont en danger. En 2002 Aymak Djangaliev a réussi à faire inscrire Malus sieversii sur la liste rouge des espèces menacées mais déjà 70% de leur superficie a disparu. Ces pommiers dont le patrimoine génétique pourrait demain nous permettre de nous passer des traitements chimiques sont en voie de disparition ! Djangaliev est décédé en 2009 et pour la troisième fois son verger conservatoire a disparu, incendié de manière criminelle.
Catherine Peix, une des dernières personnes à avoir collaboré avec Djangaliev, a décidé de poursuivre le combat de ce dernier : en 2010 elle crée avec Tatiana Salova, épouse de l’académicien et elle-même agronome, l’association ALMA (ce qui veut dire pomme en kazakh) dont le but est de mobiliser la communauté internationale et le gouvernement kazakh pour la sauvegarde du patrimoine inestimable que sont les forêts de pommiers sauvages Malus sieversii.
Vous trouverez plus d’informations sur l’origine de la pomme et sur les moyens d’action de l’association ALMA sur le site : www.originedelapomme.com
À l'exception de la carte les photos qui illustrent cet article proviennent de ce site avec l'autorisation de Catherine Peix.
Vous pouvez également consulter notre page sur : Différentes sortes de pommes