Sur la commune de Pré-en-Pail, en bordure du bois de Saint-Julien, à quelques kilomètres de l’église de Saint-Julien-des-Églantiers, il faut aller voir la charmante chapelle de Saint-Julien-des-Roncerais, appelée également « Le Vieux-Saint-Julien » du nom du lieu-dit où elle se trouve (entre le Haut-Saint-Julien et le Bas-Saint-Julien). Ces noms : « Églantiers » et « Roncerais » évoquent bien la pauvreté de ce pays, couvert autrefois de forêts, de ronciers et d’églantiers !
Pour trouver Saint-Julien-des-Roncerais, prendre la D255 en direction de Pré-en-Pail et tourner à gauche (virage en épingle à cheveux) après Le-Bas-Saint-Julien. Un panneau indique la chapelle qui se trouve sur la gauche.
La construction actuelle date de 1450 et la chapelle est citée dans les textes en 1451 comme capelliana sancti Juliani. Elle a été reconstruite en 1692 mais d’après la Société d’archéologie et d’histoire de la Mayenne (SAHM) les piliers en bois qui soutiennent l’ancien clocher près du chœur (toujours anonymement fleuri) paraissent s’appuyer sur des fondations plus anciennes.
Dans les années cinquante le dernier curé de Saint-Julien-des-Églantiers, l’abbé Bellanger, fait restaurer la chapelle. Un nouveau campanile remplace l’ancien clocher, et les murs sont cimentés.
Saint Julien, à qui est dédiée cette chapelle, est un personnage important dans notre région du Maine dont il est considéré comme un des grands évangélisateur. Il serait aussi le premier évêque du Mans où se trouvent ses reliques. On ne sait pas exactement quand il a vécu ni quand il est mort. IIe, IIIe ou IVe siècle ? Il est même présenté dans les « Actes des évêques » de l’évêque Aldric au IXe siècle, comme un disciple direct du Christ (!), et la « Légende dorée » rédigée entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, l’assimile à Simon-le-lépreux, guéri de sa maladie par le Christ. En réalité on compte de très nombreux saints appelés Julien et il est difficile de s’y retrouver.
Une légende concernant saint Julien se rapporte à cette chapelle des Roncerais. La voici :
Alors que saint Julien sillonnait notre région, où alternaient à l’époque bois touffus, ronciers, landes sauvages, hameaux isolés et pauvres clairières, pour en évangéliser la population, il s’arrêta un jour sur les hauteurs de ce qui est aujourd’hui le Pays de Pail et s’assit sur une pierre pour s’y reposer. Il avait l’air si fatigué et tellement affligé, qu’une jeune bergère qui passait par là lui proposa gentiment son aide. Elle portait une cruche, se rendant sans doute dans la vallée pour y chercher de l’eau. Ému par son attitude charitable, le saint frappa le sol de son bâton et en fit jaillir de l’eau. Cette source existe toujours aujourd’hui, elle n’a jamais tari et on l’appelle « la source éternelle ». Pour remercier le saint, les habitants construisirent juste à côté un oratoire qui dura plus de mille ans, puis la chapelle actuelle à l’emplacement de cet ancien oratoire.
Un groom permet l’ouverture de la porte de la chapelle. La source miraculeuse se trouve un peu plus haut dans le taillis et elle est canalisée jusqu'à la fontaine (en photo ci-dessus) visible en contrebas, dans un pré sur la gauche de la chapelle. On lui attribuait le pouvoir de guérir les maladies de peau, entres autres la gale.
Un tableau relatant cette légende et calligraphié en lettres gothique par Henri, un des membres de l’Association sauvegarde et mémoire de l’église de Saint-Julien des Églantiers est accroché dans la chapelle.
Après la légende, un peu d’histoire :
À la fin du XIe siècle l’érémitisme se développe plus particulièrement dans notre région du nord du Maine qui comporte de grandes solitudes boisées : des moines, en recherche spirituelle deviennent ermites et partent, le plus souvent seuls, pour évangéliser les populations isolées. Ils voyagent beaucoup. Parfois ils s’installent dans la forêt, défrichent des petites clairières qu’ils cultivent et prêchent dans les villages proches. Dans le Pays de Pail, les textes des vies des saints (vitae) décrivent leurs petits jardins. Parfois ils se regroupent en toutes petites communautés et édifient des oratoires, des chapelles, ermitages ou prieurés. Dans notre région quatre ermitages sont connus :
- Dans la forêt de Pail (actuellement sur la commune de Gesvres) le prieuré de Saint-Sulpice, s'implante sur les terres d’une ferme ayant pour nom Saint-Sulpice-des-Chèvres (cet ermitage est cité en 1145 sous le nom de Sancti sulpicis in Pallio).
- Un autre ermitage se trouve à La Trinité, (que vous retrouvez sur la carte en haut de page, près de Saint-Julien-des-Églantiers) appelé Sancta Trinitas de paleas. Il dépendait du monastère de Fontaine-Géhard (créé au XIe siècle au lieu-dit Géard, près de la forêt de Mayenne), largement à l'origine de ce courant érémitique.
- D’autres moines s'installent à proximité de la chapelle de Rouvadin, petit prieuré au nord de la forêt de Pail, situé au croisement de deux vieilles voies. Il sera rattaché par la suite à la puissante abbaye normande de Saint-Evroult qui contrôlait beaucoup de paroisses et prieurés dans notre région. Il n’en reste aujourd’hui qu’un chœur minuscule de trois mètres sur quatre de style roman ancien.
- Et enfin d’autres religieux s’établissent au Vieux-Saint-Julien où se trouvaient des bâtiments aujourd’hui disparus, avant l’édification de la chapelle des Roncerais.
Des sentiers de randonnée partent du Vieux-Saint-Julien, indiqués par les panneaux et des fléchages. La boucle de la Corniche fait 8 km (pour les trois quarts sur chemin de terre), la boucle de Saint-Julien fait 15 km (pour les deux tiers sur chemin de terre). Si vous n’avez pas le temps ou le courage de faire ces boucles, vous pouvez continuer la route qui vous fait traverser le hameau du Vieux-Saint-Julien jusqu’à un chemin creux dallé sur la gauche qui descend jusqu’au hameau de La Plesse.
Au passage vous pourrez admirer le clocher de l’église Saint-Julien-des-Églantiers émergeant des arbres.
À La Plesse vous verrez une très belle grange dimière qui date du Moyen Âge (attention, ce bâtiment est sur une propriété privée, respectez le lieu et si vous voyez quelqu’un, demandez l’autorisation avant de pénétrer dans la cour).
Une grande dimière, ou grange aux dimes ou grange dimeresse est un bâtiment qui servait sous l’ancien régime à entreposer la collecte de la dime, impôt sur les revenus agricoles destiné à l’Église.
On ignore à quelle abbaye elle était rattachée. Deux hypothèses (au moins...) sont possibles : l’abbaye de Saint-Evroult en Normandie dont dépendaient le prieuré de Rouvadin et l'église de La Poôté (ancien nom de Saint-Pierre-des-Nids) ou l'abbaye Saint-Pierre-de-la-Couture au Mans, la plus puissante abbaye du Maine aux XIe et XIIe siècle dont dépendait l'église de Pré-en-Pail (ecclesia de Pratis).
Il ne reste aujourd’hui qu’une quinzaine de granges à dimières en France. Celle-ci est impressionnante par sa taille et l’élégance de sa voute. Elle est sans doute plus ancienne que la chapelle des Roncerais.
Le nom du hameau, La Plesse, évoque le plessage des haies, pratique autrefois fréquente dans notre région, qui consiste à entrelacer les branches des arbres des haies pour les rendre infranchissables pour le bétail. On en trouve encore de nombreuses traces.
Autrefois, en parler-gallo mayennais, on prononçait le « pl » en mouillant le l, ce qui donnait « piessage » pour plessage (ou « piace » pour place). On disait donc souvent La Piesse au lieu de La Plesse. Par le suite, comme les gens savaient qu’une grange à dime s’y trouvait et que le plessage des haies devenait moins courant, on a parfois transformé La Plesse en La Pièce (ce qui faisait allusion à l’impôt, mais n’a rien à voir avec l’origine réelle du nom). Un panneau avec cette écriture erronée se trouve même à l’entrée du hameau, erreur que ses habitants voudraient bien voir corriger un jour.
Vous pouvez ensuite regagner Saint-Julien-des-Roncerais ou continuer votre promenade en suivant le chemin indiqué en jaune sur la carte en haut de cette page et revenir à votre point de départ en passant par La Noë-aux-Loups (notez au passage les nombreux toponymes comprenant « La Noë », terme qui évoque une zone humide : La Noë-aux-cerfs, La Noë-Petite, La Noë-Grande) et en longeant la forêt de Saint-Julien jusqu’au Haut-Saint-Julien pour regagner la chapelle.
Vous pourrez voir d'autres photos de Saint-Julien-des-Roncerais ou de la Grange dimière sur le diaporama ci-dessous que vous pouvez laisser défiler automatiquement ou faire passer manuellement grâce aux flèches à droite et à gauche des photos.
Pour plus de détails sur Saint-Julien-des-Églantiers cliquez sur le lien suivant : L'église Saint-Julien-des-Églantiers.
Pour savoir comment La Poôté est devenu Saint-Pierre-des-Nids cliquez sur le lien suivant : Pourquoi appelle-t-on Poôtéens les habitants de Saint-Pierre-des-Nids ?
La presse en parle :
L'Orne Hebdo reprend cet article dans ses colonnes le 2 mai 2017 et propose à ses lecteurs de partir à la découverte de ce discret et méconnu fleuron du patrimoine du pays des Avaloirs. (Vous pouvez cliquer sur les images pour les agrandir).
Les Fins Goustiers et les responsables de l'association de Saint-Julien-des-Églantiers dans les locaux de Radio Alpes Mancelles.