Le Beauché est un cousin de l’hydromel et du Chouchen breton (qui sont des boissons fermentées à base d’eau et de miel). Son origine remonterait aux Nortmanni, hommes de Nord venus de Scandinavie, que l’on appellera Vikings à partir de la fin du VIIIe siècle, quand ces « hommes des ports » (sens du mont viking en vieux norrois) commencent à remplacer le commerce par les pillages.
Après presque un siècle d’incursions et de raids vikings, que les rois francs ne parviennent pas à contenir, Charles le Simple signe en 911 avec Rollon le traité de Saint-Clair-sur-Epte, qui marque la naissance de la Normandie. Rollon et ses hommes s’installent, se convertissent au christianisme, épousent des autochtones et sont assimilés.
Ils vont laisser des traces dans le vocabulaire et la toponymie. C’est pourquoi beaucoup de noms de lieux en Normandie se terminent par « tot », issu du scandinave « topt » pour « village ». D’autres commencent par « ass », qui vient le l’appellation scandinave des dieux : les « ases », ou par « thorr », ce qui évoque le dieu guerrier du tonnerre.
Dans le vocabulaire courant, on trouve aussi cette influence scandinave : le « cotin », petite maison en parler normand, vient du norrois « kot » qui signifie « petite cabane », l’acre, unité de surface vient de « akr » qui veut dire « champ ». La « canne à lait », pot ou bidon, vient du norrois « kanna », le récipient. Ce mot est à l’origine du terme québécois pour une boite de conserve : « canne ». Le varech vient de « vagrek », ce que la mer rejette, écaler un œuf vient de « skalja » (écaille) et le mot esquif vient du scandinave « skif »...
Mais refermons cette parenthèse linguistique et revenons au Beauché.
Cette boisson était encore consommée dans le Cotentin dans les années Trente et la recette qui suit est celle de Gilbert Martin, de Saint-Sauveur-le-Vicomte.
Né en 1930, petit-fils de producteur cidricole et professeur d'histoire, Gilbert Martin a consacré plus de vingt ans de sa vie à retrouver et sauvegarder les variétés de pommes à cidre et à couteau créées par un célèbre normand : Gilles Picot, sieur de Gouberville (1521-1578).
Ce gentilhomme, très cultivé et grand amateur de cidre, vivait au Mesnil-au-Val, entre Valognes et Chergourg. On lui doit la première évocation, en 1553, de la distillation du cidre pour fabriquer de l'eau de vie.
Gouberville greffait et sélectionnait les pommiers pour créer de nouvelles variétés. De plus il notait toutes ses expériences dans ses journaux, lesquels nous sont parvenus.
Gilbert Martin s'est efforcé de les préserver en constituant une verger conservatoire de deux-cents pommiers anciens, parmi lesquels une cinquantaine de variétés datent du XVIe siècle et de Gouberville.
Gilbert Martin possédait également des ruches pour faire son miel...
Voici sa recette du Beauché :
Faire fondre tout doucement au bain-marie deux kilogrammes de bon miel dans dix litres de jus de pommes pilées trois ou quatre jours auparavant.
Filtrer et soutirer pour enlever les impuretés.
Verser la préparation dans une bonbonne en verre, ce qui permet de surveiller la fermentation.
Remuer matin et soir jusqu’à ce que l’ensemble ne fermente plus.
Ce breuvage se conserve en bouteilles pendant de nombreuses années.
Cette recette nous a été aimablement transmise par monsieur Michel Brault de Saint-Fromond dans la Manche, qui nous a autorisés à la faire connaitre.
Monsieur Michel Brault a est le fondateur de l'« Association des croqueurs de pommes de la Manche », et de l’association « Horticulture fruitière 50 », dont l’objectif est de préserver et de propager, par la plantation de vergers conservatoires et la distribution de greffons, les variétés anciennes de pommes du Cotentin (en particulier « les pommes de Gilbert Martin »).
Vous retrouverez cette recette ainsi que de nombreuses informations sur le blog de monsieur Brault en cliquant sur le lien suivant : Pour que vivent pommiers et poiriers
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