Nous avions déjà rencontré Sylvain Delporte sur des fêtes dans la région et nous avons eu envie de lui rendre visite chez lui. Le 26 avril 2014 sept d’entre nous ce sont donc rendus à Saint-Jean d’Assé.
Sylvain travaille le bois depuis l’âge de 16 ans mais c’est en 2000 qu’il est tombé amoureux du métier de sabotier lorsqu’il a rencontré, à Jupille dans la Sarthe, Roger Marcellin sabotier et fils de sabotier, qui est devenu son premier maitre sabotier et dont il a des photos dans son atelier.
Sylvain nous accueille chaleureusement dans son « petit univers » et nous montre tout d’abord la technique de fabrication d’un sabot. Il s’agit d’une pointure 23 qui lui a été commandée pour un enfant (pour cette taille il n’a pas de modèle et doit donc tout réaliser à la main).
« Dès la buche vous devez visualiser le sabot » disait un de ses maitres à Sylvain. Ce n’est pas évident ! Pour éviter les risques d’éclatement le nez du sabot doit se trouver du côté des racines et l’extérieur du côté du cœur.
Sylvain commence par dégrossir la buche avec un outil spécifique du sabotier : une hache à bucher « épaule de mouton » dont il nous présente les caractéristiques dans la vidéo ci-dessous. Dans du bois vert le travail se fait plus facilement mais ici il s’agit d’une demi-buche de noyer déjà assez sec.
Sylvain dégrossit une buche avec une hache "épaule de mouton".
Sylvain reporte ensuite le tracé du premier sabot sur la demi-bûche dégrossie et donne un trait de scie pour le talon. Il nous explique que le noyer est un de ses bois préférés : bien que classé dans les bois durs il reste relativement tendre à travailler.
Sylvain reprend ensuite la hache à bucher pour tailler le talon et affiner le sabot. « Un sabotier est capable de tailler un grain de blé à la hache » disait-on autrefois ! Sous nos yeux la forme du sabot commence à apparaître, avec le nez et la courbe. En cours de travail Sylvain vérifie le plat du dessous du sabot grâce à une petite planchette fixée sur son établi.
La suite du travail se fait au paroir de sabotier : il s’agit d’une grande lame incurvée et très aiguisée articulée sur une boucle. La puissance maximum de l’outil est près de la boucle. Sylvain l’utilise pour donner sa forme extérieure (bosses et creux) au sabot en commençant par le nez. Sylvain nous raconte qu’il existait autrefois un concours entre sabotiers : il fallait réussir à donner sa forme au sabot en seulement 13 coups de paroir !!!
Sylvain au travail avec le parroir de sabotier.
Ce travail occasionne beaucoup de déchets : pour la fabrication d’un sabot il faut compter 75% de perte. Sylvain utilise les copeaux de hêtre en paillage au jardin et les copeaux de noyer qui ne sont pas bons pour cet usage servent à la cheminée.
Une fois le sabot formé extérieurement il faut le creuser. Pour faire des avant-trous Sylvain utilise une vrille de sabotier qu’il nous présente (à gauche sur la photo) en la comparant à la vrille de charpentier (à droite). Contrairement au menuisier le sabotier n’a pas besoin d’une vrille à avance rapide. Il fait des avant-trous vers l’arrière et vers le nez pour pouvoir ensuite engager dedans la cuillère. Dans du bois vert (ce qui n’est pas le cas ici) la cuillère de sabotiers s’enfonce comme dans du melon ou du beurre et fait des petites coquilles.
Au fur et à mesure du travail le sabotier utilise une pige pour mesurer l’intérieur du sabot et savoir s’il a assez creusé. Il doit laisser une épaisseur plus importante à l’arrière et sur le devant du sabot car à cet endroit le bois est plus fragile, par contre sur les côtés du sabot qui se trouvent dans le sens du fil du bois plus résistant il est possible de laisser une moindre épaisseur. Le sabotier utilise beaucoup le toucher et la vue pour apprécier ces épaisseurs. Pour bloquer le sabot pendant le travail il à une encoche dans son établi appelé la coche. L'établi lui-même s'appelle la bique.
Il doit ensuite éliminer les irrégularités à l’intérieur du sabot. Pour travailler le talon il utilise un boutoir (en photo ci-dessous à gauche) mais pour le fond du sabot du côté des orteils il a un outil très spécifique : la rouane qui a la même courbure que les doigts de pieds et qui permet d’aller jusqu’au fond du sabot pour le creuser (en photo ci-dessous à droite). Ces outils demandent de l’habileté car il faut être capable de les utiliser aussi bien de la main droite que de la gauche !
L’étape suivante est le séchage qui dure environ trois mois. Il ne doit pas être trop rapide sinon le sabot serait fragilisé. L’oreille permet de déterminer le degré de séchage : les sabots sonnent aigu quand ils sont secs, grave quand ils sont encore humides. Il ne reste plus qu’à faire les finitions au racloir, lame d’acier ancêtre du papier de verre. Les sabots de sortie ou ceux des dames sont bien sûr plus fignolés. Le sabot doit ensuite être ajusté au pied du client (en particulier les sabots tout en bois dont le cou-de-pied doit être ajusté pour ne pas blesser).
Autrefois existaient des usines de sabotiers et pour que le travail se fasse plus rapidement les ouvriers étaient spécialisés : il y avait des bucheurs qui savaient travailler à la hache, des pareurs dont l’outil était le paroir, des creuseurs de sabot droit, des creuseurs de sabot gauche mais chacun ne connaissaient qu’un aspect du métier. Aujourd’hui il n’y a plus en France que quinze sabotiers.
Pour les tailles courantes de sabot ou pour les autres objets en bois que Sylvain fabrique, les machines effectuent les premières étapes du travail. Bien sûr il faut auparavant qu’il ait fabriqué entièrement à la main un modèle. Celui-ci est en acacia, un bois très dur, pour les modèles pleins qui doivent résister au palpeur qui guide le travail de la bucheuse. Il faut également des modèles creux pour la creuseuse.
Il nous fait une démonstration du travail de la bucheuse (ou tailleuse) avec la fabrication (bien visible sur la vidéo ci-dessous) de trois louches en bois de merisier à la délicieuse odeur d’amande. La machine date de 1920. Elle comporte un inverseur pour pouvoir fabriquer en miroir le deuxième sabot. Il existe aussi des machines doubles qui peuvent fabriquer deux sabots en même temps.
Démonstration de travail à la bucheuse mécanique.
La creuseuse fonctionne sur le même principe avec un palpeur à gauche guidé par le modèle et une cuillère à droite pour creuser. Elle aussi date de 1920 et doit parfois être réglée quand le palier de bronze prend un peu de jeu (pas de roulements sur ces anciennes machines, juste de l’huile qui graisse le palier). Lorsque Sylvain l’utilise pour creuser un sabot il creuse d’abord le talon puis il incline la creuseuse pour faire le fond du sabot.
Après une démonstration de Sylvain qui nous montre comment guider le déplacement de la creususe notre confrère Michel s’essaye à fabriquer une louche. Les autres membres de la Confrérie sont attentifs !
La finition des louches s’effectue ensuite au paroir pour faire les manches, enlever les bouts et affiner le rond. Un ponçage termine le travail.
Sylvain en profite pour nous expliquer que les meilleurs bois de saboterie sont à son sens les fruitiers. Le bouleau est un bon bois de saboterie mais il à tendance à s’user et il faut le protéger par des caoutchoucs.
La visite se termine dans l’atelier où il fait les décors et les finitions. Il nous montre quelques exemples des objets variés qu’il fabrique : sabots porte-bouteille, porte-saucisson ou porte-piques à apéro, plats à fromages, horloges, sabots porte-clés, louches à pâte à crêpes, boucles d’oreilles, toupies moine (ou casse-carreaux car si on tire trop fort sur la ficelle elle part en arrière), marottes pour ranger des coiffes ou des perruques, tire-bouchons… Il décline le thème du sabot à l’infini !
C'est Sylvain qui a fabriqué les tastegout' qui font désormais partie de la tenue des Fins Goustiers du Haut-Maine et Pail.
Vous pourrez voir d'autres photos de cette passionnante visite dans le diaporama ci-dessous que vous pouvez laisser défiler ou faire passer manuellement en cliquant sur les flèches à droite ou à gauche des photos.
Photos de Sylvain au travail dans son atellier de Saint-Jean d'Assé lors de la visite de la Confrérie.
Pour en savoir plus vous pouvez vous rendre sur le site de Sylvain en cliquant sur le lien suivant : https://sites.google.com/site/sabotiersarthois/
Vous trouverez d’autres vidéos de son travail en cliquant sur les liens suivants :
→ La Confrérie à Saint-Berthevin
→ La Confrérie à Joué-l’Abbé
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