Voilà trois instruments de mesure qu'utilisent couramment les producteurs de cidre et d'eau de vie : cidrodensimètre, alcoomètre et cidromètre.
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À ces trois instruments de mesure nous en ajouterons un quatrième : la velte qui permet de mesurer la capacité d’un tonneau et que vous découvrirez en cliquant sur le lien suivant : La velte ou jauge à tonneaux.
1 En premier lieu les producteurs de cidre utilisent un densimètre à cidre ou cidrodensimètre plus couramment appelé pèse-cidre ou pèse-cit en patois. C’est un instrument de mesure spécifiquement étalonné pour le cidre et le poiré ayant la forme d’une ampoule lestée dans le fond et surmontée d’un tube gradué et fermé.
Il existe toutes sortes de densimètres : pour l’hydromel, pour l’huile végétale, pour le vinaigre balsamique… Ils portent différents noms : lactomètre ou galactomètre pour le lait, mustimètre pour le moût de raisin, oléomètre pour les huiles…
Le cidrodensimètre comporte une graduation en noir qui va de 1000 à 1100. Elle est donnée en kg/mᶾ (ou par g par dmᶾ) et permet de mesurer la masse volumique du moût (le jus de pomme sortant du pressoir). Couramment on dit qu’on « pèse le cidre ». En réalité la mesure de la masse volumique nous renseigne sur sa densité, pour laquelle il n’existe pas d’unité de mesure. Cette mesure va également nous renseigner sur la plus ou moins grande teneur en sucres du moût car c’est elle qui fait varier la densité de ce dernier.
Un petit rappel du processus de fabrication du cidre peut être utile. Le moût contient plusieurs sortes de sucres (90 % de fructose mais également un petit peu de glucose et très peu de saccharose). Les levures alcooliques qui s’y trouvent naturellement transforment le sucre en alcool et sous leur action le jus de pomme se transforme en cidre. La teneur en alcool du cidre dépend donc de la teneur en sucre du moût.
Le cidrodensimètre fonctionne suivant le principe de la poussée d’Archimède. Plongé dans le moût ou le cidre il remonte plus ou moins selon la densité de ce dernier. On lit la mesure à la surface du liquide et au sommet de la légère courbe qu’il forme (en bleu sur le dessin ci-dessous) appelée le ménisque. L’appareil est ainsi gradué car le moût de cidre est opaque et ne permettrait pas une autre lecture.
Si le moût contient encore beaucoup de sucres (comme à la sortie du pressoir) le densimètre remonte beaucoup car le moût est plus dense. Il indique alors entre 1070 et 1050 selon le type de pommes employées (plus ou moins sucrées). Au fur et à mesure que le sucre se transforme en alcool la densité du cidre en fermentation diminue et le densimètre remonte de moins en moins. Une mesure régulière de la densité du moût en fermentation permet de surveiller le rythme de celle-ci (et éventuellement de la ralentir en effectuant un soutirage).
Le cidrodensimètre est également indispensable pour savoir quand mettre son cidre en bouteille selon le résultat recherché : plus ou moins de sucres, plus ou moins d’alcool. Lorsque le cidrodensimètre indique 1028 le cidre est doux (3 % d'alcool à 1028) et le restera si on le met en bouteille à ce moment-là. À 1021 il est demi-sec (4 % d'alcool à 1021) et à 1014 c’est un cidre sec ou brut (4,8 % d'alcool à 1014). Les producteurs amateurs utilisent en général cette échelle de référence mais certains la décalent dans un sens ou dans l’autre. Le principe est toujours le même : plus la mesure du densimètre est élevée, plus le cidre est doux ; plus elle est basse, plus le cidre est sec. À 1000 il a terminé sa fermentation, contient 6,3 % d'alcool et sera désormais utilisé pour la fabrication de vinaigre ou d'eau de vie (par distillation).
On entend parfois dire que le densimètre à cidre indique le poids de sucre dans le moût. Ce n’est pas entièrement exact mais avec une table de concordance on peut connaître le poids de sucre par litre suivant la densité mesurée. À 1050 le cidre contient environ 107 g de sucre par litre, à 1030 il en contient 61 g et à 1020 seulement 41 g par litre. La quantité de sucre baisse encore à 1011 pour n’être plus que de 22 g par litre.
Un cidrodensimètre est étalonné à une température de 15 °C ou 20 °C selon les appareils. Pour que la mesure soit exacte il faut que le moût soit à cette température. Certains cidrodensimètres comportent donc un thermomètre gradué de 0 °C à 35 °C permettant d’en vérifier la température. Une table de correction est parfois fournie avec l’appareil pour les cas où elle diffère de la température d’étalonnage. Mais toutes les tables de corrections n’indiquent pas les mêmes chiffres ! La correction à effectuer est d’ailleurs relativement minime. Par exemple si votre cidre est à 15 °C, votre densimètre étalonné pour 20 °C et votre mesure 1030, il faut retrancher 1 à 1,5 selon les tables de corrections. Cela fait 1029 ou 1028,5 c’est à dire que votre cidre est encore doux. La plupart des producteurs amateurs n’en tiennent donc pas compte mais il est préférable de laisser le cidre à température ambiante de la pièce avant de le mesurer pour avoir un résultat plus précis ...ou d'utiliser la table de correction fournie avec votre densimètre à cidre ! Si vous n'en avez pas vous en trouverez une en cliquant sur le lien suivant : Table de correction pour cidrodensimètre
Il existe aussi des cidrodensimètres gradués de 995 à 1030 ne servant que pour déterminer le moment de la mise en bouteille car ils permettent une mesure plus précise que le cidrodensimètre classique gradué de 1000 à 1100. Mais cet appareil est plutôt réservé aux producteurs professionnels qu’aux amateurs.
Le cidrodensimètre comporte également une deuxième graduation : celle-ci est en rouge ou en bleu selon les fabricants et graduée de 1 % à 10 %.
Cette graduation, qui correspond à des degrés alcooliques, ne sert qu’à la sortie du pressoir avant toute fermentation. Elle indique l’alcool probable en pourcentage volume que contiendra le cidre après fermentation complète. Un moût qui sort à 1060 donnera un cidre à environ 8 % d’alcool (mais seulement en fin de fermentation, une fois tout les sucres transformés en alcool). À 1050 il donnera un cidre à environ 6,5 % et à 1070 un cidre à environ 9 %. Pour remplacer la double graduation il existe également des tableaux de concordance entre la densité et le degré d’alcool potentiel. Toutes ne donnent pas exactement les mêmes chiffres (ce pourquoi nous écrivons « environ »). Cette mesure renseigne sur la qualité future du cidre destiné à la distillation. Elle intéresse plus particulièrement les producteurs qui ont l’intention de faire bouillir leur cidre pour faire de l’eau de vie, car plus le cidre est « alcooleux », meilleure sera l’eau de vie. Vous trouverez une table de concordance en cliquant sur le lien suivant : Table de concordance pour cidrodensimètre.
Pour les moûts de poires on utilise le même appareil mais les valeurs sont différentes et il faut se servir d’autres tables de correspondance. À 1050 le moût de poire contient 119 g de sucre par litre et donnera un poiré à 7° en fin de fermentation. Par contre la concordance densité/sucre par litre/alcool potentiel est la même pour le moût de pomme et pour le moût de rhubarbe.
Les premiers appareils destinés à mesurer la densité des liquides (appelés aréomètres) remontent à l’antiquité (Archimède vivait au 3ème siècle avant J.C.) et Galilée décrit cet instrument en 1612. Au 18ème et 19ème siècle sont mis au point des aréomètres adaptés à différents liquides et un botaniste anglais, Thomas Andrew Knight (1759-1838), invente le cidrodensimètre au début du 19ème siècle. Il est le premier à établir une corrélation entre la densité du moût et la future force en alcool du cidre. En 1810, dans un ouvrage appelé Pomona Herefordiensis il donne la densité de 24 sortes de pommes et de 4 sortes de poires.
L’objectif des botanistes, dès le 19ème siècle, est de privilégier les pommes à cidre de forte densité, donnant les meilleurs cidres. En France, Louis-Achille Hautecorne, pharmacien à Yvetot, et Lucien de Bouteville publient en 1875 un ouvrage de référence, « Le cidre », dans lequel ils analysent les différentes variétés de pomme à cidre. Ils y écrivent : « les pommes qui méritent à bon droit d’occuper le premier rang sont les variétés parfumées, légèrement amères et peu acides, qui à une quantité notable de tanins ou principe astringent et de mucilage ou principe onctueux joignent une forte proportion de sucre. Le sucre est de tous les éléments celui qu’il convient de rencontrer en plus forte proportion… On devra donc toujours accorder la préférence aux variétés de haute densité, car plus le densimètre accusera de degrés plus la richesse saccharine sera grande, l’alcool abondant et la boisson généreuse et durable ».
2 Le deuxième appareil de mesure utilisé par les producteurs qui font bouillir leur cidre pour fabriquer de l’eau de vie de cidre est le pèse-alcool ou alcoomètre. Ce dernier est lui aussi un densimètre, il a la même forme que le cidrodensimètre, il fonctionne également suivant le principe d’Archimède, mais il est gradué uniquement pour déterminer la quantité d’alcool contenue dans une solution hydro-alcoolique.
Il a été mis au point par le chimiste et physicien français Louis Joseph Gay-Lussac (1778-1850). En 1921 l’administration française, qui veut taxer les boissons alcooliques, le charge de trouver une méthode pour mesurer la concentration en alcool de ces dernières. Il perfectionne donc l’aréomètre existant déjà en le spécialisant et en créant sa propre unité de mesure : le degré Gay-Lussac (°GL). La loi de 1924 sur les alcools utilise son appareil qu’il appelle alcoomètre et qu’il commercialise à partir de 1930.
Comment Gay-Lussac a-t-il procédé pour graduer son alcoomètre ? Pour commencer il l’a plongé dans de l’eau pure distillée. À l’endroit où la tige sort de l’eau il a noté 0°. Puis il l’a plongé dans de l’alcool pur et a noté 100° là où la tige sortait de l’alcool. Il a ensuite gradué la tige entre 0° et 100° en utilisant des mélanges eau-alcool de diverses proportions. Toutes ces mesures ont été effectuées à la température de 15 °C.
L’alcoomètre comporte en général deux échelles de graduation : la plus utilisée est la graduation Gay-Lussac qui est blanche et graduée de 0° à 100°, chaque trait représentant un degré d’alcool.
Comme avec le cidrodensimètre on plonge doucement l’alcoomètre dans le liquide et on le laisse remonter sans le toucher. La lecture se fait sur la tige graduée, au niveau de la ligne de flottaison, à hauteur des yeux et en dessous du ménisque (contrairement au cidrodensimètre).
L'alcoomètre ne peut servir qu’à mesurer l’alcool distillé sans adjonction de sucre car ce dernier modifie la densité. On ne peut donc pas l’utiliser pour les vins, les apéritifs ou les liqueurs.
Le résultat obtenu est un pourcentage volumique (% vol) : par exemple un résultat de 40 °GL signifie que la boisson contient 40 % vol d’éthanol (le reste c’est de l’eau).
L’alcoomètre est lui aussi étalonné à une température déterminée indiquée sur l’appareil (autrefois 15 °C, aujourd’hui en général 20 °C). Si l’alcool est à une température différente il faut se reporter à des tables de correction. Pour un alcool à 40 % vol lorsqu’il est mesuré à la température de 20 °C à laquelle l'alcoomètre a été étalonné, l’appareil indiquera 42 % vol à 15 °C et 38 % vol à 25 °C. Certains alcoomètre comportent un thermomètre intégré (comme celui en photo à droite). Vous trouverez une table de correction complète en cliquant sur le lien suivant : table de correction pour alcoomètre.
La deuxième échelle des alcoomètres, en rouge, est graduée de 10 à 44. C’est l’échelle Cartier qui doit son nom à Jean-François Cartier. Cette échelle de graduation a été mise au point à une température plus basse que celle de Gay-Lussac si bien que 34 °Cartier sont équivalents à 86 °GL. On n’utilise plus cette échelle sauf dans quelques pays et dans l’Est de la France.
Ci-dessous un ancien aéromètre (alcoomètre) selon Cartier, gradué uniquement de 10° à 40°.
3 Une fois le cidre mis en bouteille (c'est alors du "cidre bouché") il commence une deuxième fermentation qui en deux mois environ va lui donner effervescence et développer ses arômes. On l'appelle la "prise de mousse". Il faut alors un troisième instrument de mesure : il s’agit d’un petit appareil nommé cidromètre. En effet l’alcoomètre ne peut pas servir à mesurer le degré d’alcool d’un cidre, d’un poiré ou d’un pommeau (apéritif à base de cidre et d’eau de vie de cidre) et le cidrodensimètre ne peut servir qu’au moment de la mise en bouteille, avant la prise de mousse.
Le cidromètre est un petit entonnoir surmonté d’une fine tige capillaire graduée de 0 à 25 % vol indiquant le pourcentage d’alcool dans le cidre, le poiré ou le pommeau. Il fonctionne suivant le principe de la capillarité.
Pour l’utiliser versez un peu de cidre dans l’entonnoir en tenant le cidromètre verticalement par l’entonnoir jusqu’à ce que des gouttes de cidre commencent à couler par l’extrémité inférieure du tube. Laissez tomber une dizaine de gouttes pour que tout l’air soit bien chassé de la tige capillaire.
Retournez alors délicatement l’appareil sans toucher la tige capillaire et posez l’entonnoir sur une surface plane. Attendre quelques seconde afin que le liquide se stabilise. Le cidre contenu dans le cidromètre descend lentement dans la tige capillaire dans laquelle il reste suspendu (par le principe de l’attraction capillaire) et s’arrête face à la graduation indiquant approximativement le degré alcoolique du liquide.
Sur la photo de droite on distingue bien la différence de couleur dans le tube capillaire entre l'air, qui se trouve dans le haut du tube, et le cidre qui est descendu dans le bas. Ici la mesure est légèrement supérieure à 5°. Remarquez l'écartement décroissant des intervalles de la graduation.
Si la colonne de cidre (ou de pommeau) est séparée par des bulles d'air il faut vider l'appareil et recommencer l'opération.
Le cidromètre est étalonné à 20 °C mais les anciens cidromètres (en particulier les cidromètres de marque Bernadot aujourd’hui devenus des objets de collection) étaient étalonnés à 15 °C.
Si le liquide n’est pas à la température d’étalonnage il faut rajouter 1/3 de degré d’alcool par 5 °C en moins et déduire 1/3 de degré d’alcool par 5 °C en plus de la température d’étalonnage.
Avant et après avoir utilisé le cidromètre il faut le rincer plusieurs fois à l’eau claire.
De l’eau à la température de 20 % doit marquer 0° au cidromètre, dans le cas contraire il faut bien nettoyer le cidromètre.
Le même appareil existe pour le vin (vinomètre).
→ Pour des détails et des photos sur la fabrication du cidre à l'ancienne cliquez sur le lien suivant et reportez-vous à notre article : Le cidre à l'ancienne ou c’ment on faisint l’bon cit’ dans l’temps…
→ Pour les tables de concordance et de correction cliquez sur : Tables de correction et de concordance pour cidrodensimètre et : Table de correction pour alcoomètre
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