Le dimanche 18 2016 quatre membres de la Confrérie des Fins Goustiers du Haut-Maine et Pail se sont rendus aux portes ouvertes organisées par Marie-Hélène Brard et Ludovic Dubreuil, deux producteurs installés à La Noë Plaine (à Bagnoles-de-l'Orne) et
Superbement organisées, ces portes ouvertes s’inscrivaient dans la campagne nationale « Manger bio et local c’est l’idéal ! » initiée par la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique et soutenue par de nombreux acteurs de l’agriculture biologique, éthique et solidaire. Du 17 au 25 septembre deux-cents animations permettaient ainsi de rencontrer les producteurs bio normands, dans le but .
Originaire de Parigny dans la Manche, et fils d’agriculteurs-pépiniéristes, Ludovic Dubreuil avait depuis longtemps l’idée de se lancer un jour dans la production cidricole. Dès 1995 il a commencé à planter deux hectares de pommiers basses-tiges chez ses parents (soit environ mille-cinq-cents pommiers).
Il y a vingt ans (il est alors conseiller en bâtiments d’élevage), il s’installe à La Noë Plaine, sur une ancienne ferme laitière où se trouvent quelques vieux pommiers, que la tempête de 1999 se charge de mettre à bas. En 2000 il y replante un hectare de deux-cents pommiers hautes-tiges et un kilomètre de haies.
Après avoir produit du cidre en amateur, Ludovic décide de se mettre à son compte. Ce qu’il fait avec une amie de longue date, Marie-Hélène Brard, originaire de Saint-Malo et elle aussi fille d’agriculteurs, qui travaillait dans l’enseignement à Domfront et souhaitait se reconvertir. Après deux années de préparatifs, l’EARL Bagnoles de Pom’ est créée le 1er avril 2016.
Aujourd’hui les quatre hectares et demi de vergers plantés de pommes à cidre et à jus sont donc répartis entre Bagnoles-de-l’Orne (hautes-tiges) et Parigny (hautes et basses-tiges). Pour assurer le désherbage naturel des vergers, Ludovic et Marie-Hélène emploient des moutons anglais de race shropshire, à têtes et pattes noires et à laine blanche, qui ont la particularité de ne pas manger l'écorce des arbres (mais ayant également un âne Ludovic a quand même dû mettre des colliers à ses arbres !).
Outre le nettoyage des vergers, l'autre avantage de ces moutons est qu'ils mangent les premières pommes qui tombent. Or celle-ci sont véreuses et en les éliminant les moutons stoppent naturellement le cycle du carpocaspe (le vers du fruit). Une mare se trouve à proximité et le verger est entouré de haies ce qui favorise l'accueil des oiseaux, consommateurs des insectes qui pourraient s'attaquer aux fruits (l'exploitation est d’ailleurs un refuge du GONm – Groupement ornithologique Normand).
L'objectif est de créer un écosystème équilibré, nécessaire à l'agriculture biologique et permettant d'éviter tout produit de traitement (excepté parfois un peu de bouillie bordelaise).
Ludovic nous fait visiter l'exploitation, nous présente les principales sortes de pommes qui y sont produites, et explique à un public attentif comment on obtient un pommier.
La première étape est l'achat en Anjou d'un franc de semis (qui a poussé à partir d'une graine). Ce franc n'est qu'un petit scion, pas plus gros qu'un poireau. On le plante et c'est lui qui va donner à l'arbre futur un système racinaire puissant. La deuxième étape est l'écussonnage qui s'opère au mois d'aout. On prélève sur un arbre à tronc bien droit un petit bourgeon avec l'écorce. On fait une incision en T dans le franc (dont la tige est encore très petite) et on glisse ce petit bourgeon dans la fente. Ce bourgeon va pousser et donner à l'arbre un tronc bien droit. Enfin on greffe en tête, à deux mètres, quand la tige a dix à douze centimètres de diamètre. On prélève un greffon de la sorte de pommier que l'on veut obtenir et ce greffon taillé en biseau est encastré dans le tronc comme on le voit sur la photo ci-contre.
Un pommier est donc constitué de trois variétés différentes.
Autrefois on menait les fruitiers en haute-tige car cela permettait de pratiquer l’élevage bovin laitier dans les vergers. Les méthodes modernes se tournent plutôt aujourd’hui vers les basses-tiges qui produisent plus précocement.
Dans les vergers de Bagnoles de Pom’ on trouve neuf à dix variétés dont les principales que Ludovic nous présente : Petit Jaune (pomme acidulée utilisée dans les jus), Douce Coët (pomme douce utilisée pour les cidres), Binet rouge et Douce Moën (qui a la forme d’un petit tonneau), toutes deux douces-amères et utilisées un peu dans les cidres mais surtout pour la fabrication du pommeau et de l’eau de vie, et Fréquin rouge (pomme amère contenant des tanins, utilisée pour l’eau de vie).
Pour plus de détails sur l’origine de la pomme et les différentes sortes de pommes, cliquez sur la pomme dans les rubriques proposées à droite de cette page.
Ludovic nous explique que les pommiers à cidre ont été sélectionnés au fil de temps pour obtenir des pommes donnant un jus apte à se clarifier, c’est-à-dire des fruits riches en pectines.
En effet la première étape de la fermentation du mout (jus) de pomme, appelée « défécation », est un processus assez lent pendant lequel les impuretés que contient le mout se coagulent sous l’effet des pectines et remontent en surface formant le « chapeau brun » tandis que la lie se dépose au fond de la cuve. Le mout se clarifie ainsi pour donner un cidre (et éventuellement plus tard une eau-de-vie) de qualité.
Le ramassage des pommes se fait à partir d’octobre, tous les quinze jours environ et mécaniquement. Ludovic nous fait une démonstration avec sa machine à ramasser et trier les pommes. Le même modèle existe fixé sur un tracteur.
Les pommes sont triées à la cueillette et entreposées dans des palox de bois selon les variétés ce qui permet par la suite de les assembler lors du pressurage suivant le produit souhaité. Ces assemblages sont le produit de nombreux essais en micro-fermentation pour arriver au bon équilibre.
Ludovic nous apprend que dans le pays d’Auge le ramassage se fait traditionnellement à la main. Les pommes sont ensuite conservées sur des planchers en bois dans des grenier au-dessus du pressoir et elles y finissent de murir. Cette méthode permet un brassage plus tardif. Le ramassage mécanique oblige quant à lui à brasser plus tôt.
Nous passons ensuite dans la pièce (ancienne salle de traite) qui leur sert actuellement d’entrepôt de stockage. Ludovic et Marie-Hélène viennent d’acquérir récemment une série de bâtiments qui vont leur permettre, une fois aménagés, de rapatrier sur le site de Bagnoles l’ensemble de la production se faisant encore sur Parigny, à cinquante kilomètres de là (en particulier la transformation, la cuverie et les chais de vieillissement). C’est dans ce local qu’il nous parle de la fabrication de leurs produits.
Pour le pressurage (en novembre) ils utilisent toujours la presse à paquets traditionnelle, les lits de marc étant montés dans des toiles séparées par des claies, mais ils ont le projet de revoir ce principe (aujourd’hui on utilise plus volontiers le pressoir à bandes).
Pour plus de détails sur la fabrication du cidre cliquez sur le lien suivant : Le cidre à l’ancienne
Le jus de pomme est directement pasteurisé (pour éviter la montée en alcool) et mis en bouteilles. Le pommeau est lui aussi fait juste après le pressurage puisque le principe de fabrication de cet excellent apéritif consiste à mélanger le mout (jus de pomme fraichement pressées) avec de l’eau-de-vie, ce qui évite la fermentation du mout. Il convient ensuite de remuer souvent ce mélange pour éviter que l’alcool et le mout ne se séparent (le mout plus lourd risque de tomber au fond de la cuve et de fermenter).
Le cidre quant à lui est mis à fermenter et, au fur et à mesure que le sucre se transforme en alcool, il est embouteillé pour donner du cidre doux, demi-sec ou brut. Il est nécessaire de surveiller (par comptage des levures) cette fermentation qui peut s'emballer surtout s'il fait trop chaud. Les soutirages et la surveillance de la température servent à purifier le cidre et à ralentir sa fermentation. Il faut également surveiller les éventelles maladies, contrôlée en production conventionnelle par l'emploi de sulfites (jusqu'à cent milligrammes par litre) et qui ne sont autorisés en production biologique qu'à concurrence de cinquante milligrammes par litre, avec obligation de l'indiquer surl'étiquette.
Le cidre restant sera utilisé pour fabriquer l'eau-de-vie ou le vinaigre.
Le cidre se transforme en vinaigre par l'action d'une bactérie appelée Acétobacter qui se trouve dans l'air, transportée par des moucherons. Le contact de l'air développe cette bactérie.
Pour plus de détails cliquez sur le lien suivant : Le vinaigre de cidre
Quant au Calvados, qui est une appellation contrôlée, c'est une eau-de-vie de cidre vieillie en futs de chêne pendant un minimum de deux ans. Ces futs sont d'anciens futs à porto ou à cognac pour qu'ils ne donnent pas trop de tanins au Calvados. À Bagnoles de Pom' le Calvados et le Pommeau sont actuellement en cours de vieillissement.
Une fois embouteillé le cidre débute une nouvelle fermentation et au bout de deux mois il a fait sa "prise de mousse", développé son effervescence et ses arômes. À Bagnoles de Pom' la prise de mousse s'opère de manière naturelle avec les levures d'origine.
Plusieurs méthodes de prise de mousse existent :
- totalement naturelle et non contrôlée, employée en général par les amateurs, avec le risque de bouchons qui sautent, de cidre qui déborde ou même de bouteilles qui explosent ;
- chimique, employée dans l'industrie cidricole : on filtre, on pasteurise et on remplace les levures par du CO2 ;
- naturelle avec élimination totale des levures qui sont réinjectées à un dosage précis évitant tout risque de fermentation trop importante ;
- naturelle contrôlée en gardant les levures d'origine mais en surveillant leur progression durant la première fermentation et en en éliminant éventuellement une partie si au moment de la mise en bouteille il y en a trop. C'est cette méthode, plus risquée que les deux précédentes, qui est employée par Ludovic.
La visite se termine par la dégustation des produits.
C'est avec plaisir que nous goutons les produits : le poiré (produit en petite quantité), deux cidres : cuvée « Belle Époque » (cidre doux nommé ainsi en référence au quartier 19ème siècle de Bagnoles-de-l’Orne) et « Chêne Hippolyte » (cidre demi-sec qui doit son nom à un très beau chêne se trouvant en forêt de La-Ferté-Macé près de Bagnoles et ayant au minimum trois-cent ans), et le jus de pomme.
Marie-Hélène et Ludovic proposent également des jus de pomme aromatisés aux fruits rouges de manière naturelle et équilibrée pour ne pas masquer le gout de la pomme : pom’framboise, pom’cassis et pom’griottes ainsi que du vinaigre de cidre.
Tous ces produits sont disponibles dans la boutique aménagée dans un ancien fournil et ouverte en aout 2016. Vous y trouverez également différents produits du terroir sélectionnés auprès d'amis producteurs bio : miel, bière, tisanes, Calvados, Pommeau et quelques créations artisanales locales. Cette gamme s'étendra au gré des coups de coeur de Ludovic et Marie-Hélène.
Dès le départ, les cidres et le jus de pomme de Bagnoles de Pom’ ont obtenu le label Orne Terroirs. Ce réseau et cette marque existent depuis 1996 et ont été créés par Synagro (Comité agroalimentaire de l’Orne) et la Chambre d’agriculture de l’Orne. Les produits agréés le sont par un jury de dégustation annuel (dont notre regretté confrère Didier Birckel faisait d’ailleurs partie). Plus de 300 produits sont désormais proposés sous ce label par 140 adhérents cherchant à rendre les produits locaux plus accessibles au consommateur.
Une aire de piquenique en libre accès est ouverte à l'entrée de l'exploitation juste à côté du verger ainsi qu'une aire pour camping-cars et Ludovic et Marie-Hélène ont également un projet d'ouverture de chambres d'hôtes.
Pour trouver la ferme cidricole Bagnoles de Pom’ à La Noë Plaine : à partir de Bagnoles-de-l’Orne (lac) prendre la direction « château-hôtel de ville » puis la direction Tessé-Froulay. À l'hôtel de Tessé, prendre à droite puis suivre le chemin à droite à pendant environ un kilomètre. En arrivant de Couterne prendre la direction Tessé-Froulay, et ensuite prendre à gauche à l'hôtel de Tessé et à droite.
Vous les trouverez également sur le marché de Bagnoles-de-l'Orne tous les samedis matin et de La-Ferté-Macé le premier vendredi de chaque mois.
Il est aussi possible de passer commande par Internet et de venir ensuite chercher les produits à la ferme.
Leur site Internet : www.bagnoles-de-pom.com
Le programme proposé lors de ces portes ouvertes était alléchant. es sorties natures et ornithologiques encadrées par un guide, un marché du terroir bio où on trouvait des légumes, des fromages (de vache et de chèvre), du pain cuit au feu de bois, de la charcuterie, des plantes, du miel, un stand de troc de livres, une buvette avec vente de crèpes, une caravane de réflexologie, des toilettes sèches, des jeux (avec Payasoloco), un stand de scrapbooking, un circuit de tracteurs à pédales pour les enfants, une animation musicale... Tout était là pour que les visiteurs passent une bonne journée sur le site ! Et pour ne rien gâcher le soleil était de la partie !
Le marché du terroir permettait de s'approvisionner pour se restaurer sur place avec des produits de qualité.
Tables, chaises, bancs, plateaux et couverts étaient mis à la disposition des visiteurs et un excellent groupe de Jazz appelé JLS (Jazz du Lundi Soir, de Saint-Georges-des-Groseillers) assurait l'animation musicale. L'organisation était vraiment impeccable !
Sur les murs des bâtiments une exposition de grandes photos en noir et blanc a attiré notre attention car certains d'entre nous les avaient déjà vues. Publiées par le Parc naturel régional Normandie-Maine dans sa revue "Monts de Normandie et du Maine" de mars 2011 sur le thème "Regard sur nos villages, la face cachée d'un patrimoine", ces neufs photos saisissent des instants comme suspendus hors du temps et offrent un regard inhabituel sur l'identité de notre territoire, nous invitant à voir autrement des lieux que nous croyions connaitre et à en pénétrer l'atmosphère. C'était un réel plaisir de revoir cette collection. Merci.
Vous trouverez d'autres photos de cette belle et instructive journée dans le diaporama ci-dessous que vous pouvez laisser défiler automatiquement ou faire passer manuellement en cliquant sur les flèches à droite et à gauche des photos.
La presse en parle :
La ferme cidricole de Bagnoles de Pom’ en vidéo :
Les visites "cidricoles" de Bagnoles de Pom'!
Toutes les 3 semaines le vendredi à 14h, Marie-Hélène et Ludovic vous invitent pendant 2 h à vous plonger dans les secrets de la production cidricole.
Au programme :
- la cidriculture à travers le monde et de l'antiquité à aujourd'hui
- tour au verger : le greffage, l'écussonnage, les variétés
- la fabrication des jus de fruits, cidres et autres calvados...
- dégustation commentée
Participation : 4€/personne
Réservation : Office de Tourisme de Bagnoles De L'Orne : 02.33.37.85.66
Dates des visites 2017 : 21avril; 12 mai; 2 juin; 23 juin; 28 juillet; 4 août; 25 aout; 15 septembre; 6 octobre; 27 octobre.
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