Le domaine de Trotté sur le territoire de Saint-Pierre-des-Nids est un site communal ouvert au public situé à 4 km du bourg de Saint-Pierre et à 1km du village classé de Saint-Céneri-le-Gérei. Quatre gîtes sont implantés dans ce lieu particulièrement touristique en bord de Sarthe. Outre son caractère champêtre et bucolique le site de Trotté a plusieurs particularités.
Il se trouve à la jonction de trois départements : la Mayenne, la Sarthe et l’Orne, et donc de deux régions : les Pays-de-Loire et la Normandie. Quel Potéen (ainsi appelle-t-on les habitants de Saint-Pierre-des-Nids) ou quel Giroi (ainsi appelle-t-on les habitants de Saint-Céneri-le-Gérei) ne s’est pas amusé dans sa jeunesse à se tenir debout dans l’eau sur les rochers qui se trouvent à la limite des trois départements, là ou le Sarthon se jette dans la Sarthe ? Bien souvent on ne sait plus si on est sur la commune de Saint-Pierre ou de Saint-Céneri ou sur celle de Saint-Léonard-des-Bois sur l’autre rive de la Sarthe ! Les touristes s’y perdent !
La deuxième particularité du domaine de Trotté ce sont les ruines des forges de la Bataille. Expliquons d’abord ce nom : l’endroit le porte depuis la guerre de Cent Ans, plus précisément depuis mai 1432. Le château de Saint-Céneri, assiégé par les Anglais, était alors défendu par le chevalier Ambroise de Loré, compagnon de Jeanne d’Arc, et son lieutenant Jehan Armanges. Ayant repoussé les assiégeants et dégagé le château ils massacrèrent un détachement anglais attardé en ce lieu qui prit dorénavant le nom de la Bataille en souvenir de ce carnage.
Quant aux forges, elles sont mentionnées dès le début du 16ème siècle. Elles étaient propriété de la riche famille du duc de Gesvres-Tresmes. Elles utilisaient du minerai de fer extrait en surface provenant du bois de la Garenne sur La Ferrière-Bochard et de Sougé-le-Ganelon. Elles le transformaient en fonte dont elles affinaient une partie pour produire du fer vendu aux forgerons des villages et des villes des alentours (Alençon, Le Mans, Falaise). La rivière, domestiquée par une digue, en photo ci-contre, apportait la force motrice nécessaire pour actionner les pilons qui concassaient le minerai et les énormes soufflets de la forge. D’où cette localisation en bord de Sarthe. Les forêts environnantes fournissaient le charbon de bois, combustible indispensable pour la forge. Il était fabriqué directement par les charbonniers dans les forêts proches. Les forges de la Bataille furent en plein activité au 17ème siècle. Puis elles entrèrent en déclin essentiellement par manque de combustible et à cause de la mauvaise qualité des chemins, impraticables une partie de l’année. Le dernier fourneau a fermé peu avant la Révolution (1782) et les forges furent ensuite vendues comme biens nationaux.
Les ruines des Forges de la Bataille
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale des brèches importantes se sont formées dans la digue des forges de la Bataille, et les vannes en bois, qui ont pourri, laissent passer l’eau. Résultat : le niveau de la Sarthe a considérablement baissé dans la boucle qui entoure le village de Saint-Céneri-le-Gérei et est en dessous du niveau légal fixé par le préfet de la Mayenne en 1887. Or la digue et ses deux rives sont à l'époque la propriété privée de la famille de Vaucelles sur la commune de Saint-Pierre-des-Nids. « L’Association des Amis de Saint-Céneri et du moulin de Trotté » créée le 30 août 1953 et dont le président est le colonel Gosse, natif de Saint-Céneri a comme premier objectif de réparer le barrage de la Bataille pour faire remonter le niveau de l’eau. Monsieur Alain Méry de Bellegarde, héritier de la famille Vaucelles, donne l’autorisation de faire les travaux sur la digue (travaux qui démarrent dès 1953 et auxquels tout le monde même les plus jeunes !) et sur la vanne. En 1955 la réparation du barrage de la Bataille est achevée et la Sarthe a retrouvé son niveau.
En juin 2014, la vanne des forges de la Bataille est à nouveau emportée par le courant ainsi que le petit barrage adjacent. Le niveau de la Sarthe dans la boucle de Saint-Céneri et au niveau des ruines des forges (lieu-dit La Plage) baisse d’un bon mètre. En octobre 2014 les travaux débutent : la vanne est restaurée, les brèches du déversoir sont réparées et la Sarthe retrouve son niveau habituel à Trotté et dans la boucle de Saint-Céneri.
Que reste-t-il aujourd'hui des forges ? Quelques blocs de maçonnerie, pris pour certains entre les racines d’un hêtre sur lesquels les enfants potéens et girois (et bien d’autres) ont usé leurs fonds de culotte, une digue et une île formée par les résidus de la fonderie : mâchefers et sornes . Ces sornes (ou scornes) sont des débris vitreux noirs, bleus, turquoises, parfois verts… À force d’être ramassés, collectionnés, utilisés en décoration ou comme souvenirs on en trouve de moins en moins. Il y a vingt ans il suffisait de se baisser, maintenant il faut chercher, ou creuser un peu… Ces débris, accumulés au cours des ans, ont formé une grande île aujourd’hui boisée en aval de la digue des forges de la Bataille et nommée la Butte aux sornes ou l’Ile aux scories.
En amont du barrage des anciennes forges la prairie en bordure de Sarthe porte le joli nom de la Plage, nom qui apparaît d’ailleurs sur les anciennes cartes postales. Dans les années 60, 70 ou 80 les gens du coin et les Alençonnais venaient dès les beaux jours s’y baigner et « la plage » était couverte de serviettes de bain. Les deux cartes postales ci-dessous, l'une datant du 19ème siècle et l'autre de 1968 en témoignent !
Parlons enfin du Moulin de Trotté. Lui aussi est très ancien. La digue qui l'alimente (en photo ci-dessous à gauche) semble de la même époque que celle des forges. Les paysans y venaient des alentours pour faire moudre leur blé, seigle, orge et sarrasin. À l'époque chacun faisait moudre son grain et faisait ensuite lui-même son pain. On y fabriquait aussi de l'aplatis d'orge et d'avoine pour les animaux. Le moulin de Trotté s'est arrêté en 1930 à la mort de Burgeot, le dernier meunier. Il a ensuite servi de maison d'habitation (Gérard Berbérian dont de nombreux girois, poôtéens et compoforméniens se souviennent l'habitait encore dans les années 70). Restauré, c'est aujourd'hui un gîte, tout comme les bâtiments de l'ancienne ferme de Trotté.
Pour une promenade reliant Saint-Céneri-le-Gérei au domaine de Trotté cliquez sur : Promenade entre Saint-Céneri et Trotté par la corniche
Pour savoir pourquoi on appelle Poôtéens les habitants de Saint-Pierre-des-Nids et Girois ceux de Saint-Céneri cliquez sur : Pourquoi on appelle Poôtéens les habitants de Saint-Pierre-des-Nids ?
Pour en savoir plus sur l'histoire de cette région au Moyen Âge allez sur : Deux châteaux, deux familles, du IXème au XIème siècle
Bibliographie :
Henri Pastoureau Histoire de Saint-Céneri, rééditée en 2016 par les « Amis de Saint-Céneri » et disponible au point-info du village, à l'office de tourisme d'Alençon et à la librairie Le Passage à Alençon au prix de 12 €.
La presse en parle :
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